(Mons) Fantasy Festival

Je suis à la bourre. Je ne sais pas pourquoi, mais mon réveil-matin n’a pas chanté sa mélopée ce matin. Pourtant, je suis sûr d’avoir vérifié par deux fois que le bouton d’alarme était bien enclenché. Heureusement que j’ai eu la présence d’esprit de préparer mon sac hier avant d’aller au lit. Je fais un rapide inventaire de ce qu’il contient. Ce serait bête d’oublier quelque chose de crucial comme des sous-vêtements propres. Je suis contente de pouvoir aller à cette convention. C’est toute une chance que Damien a eue des billets. Il faut dire que j’ai été quelque peu surprise qu’il m’invite. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais j’ai l’impression qu’il s’éloigne petit à petit de moi. Il faut dire que nos derniers moments passés ensemble n’ont pas été des plus faciles à gérer. Qu’est-ce qui m’a pris de lui dire que je voulais lui sauter dessus ? Debout devant mon miroir qui se trouve dans ma chambre, j’enfile ma robe bleue aux longues manches évasées. Vue de loin, elle semble toute simple, mais quand on y regarde de plus près. On peut y déceler des broderies de fleurs faites main. Ma mère m’a beaucoup aidé pour le travail de couture sur ce costume. Je crois avoir porté cette robe à plusieurs reprises lors de conventions. C’est surtout qu’elle est ultra confortable. Mais le petit plus, non négligeable, c’est que je peux porter des souliers à talon plat sans que cela jure avec le costume. La robe est assez longue pour camoufler le tout. Je complète le costume avec une perruque aux longs cheveux roux. J’en suis à tresser les cheveux quand mon téléphone vibre sur ma table de chevet. Un message de Damien qui m’informe qu’il est en route. Il sera chez moi dans quelques minutes à peine. Je termine rapidement le tressage de ma chevelure couleur feu. Ce qui laisse à découvert la peau de mon cou. Je fais un rapide tour de mon appartement. La routine ne prend pas congé. C’est ma valise bien en main que je gagne l’extérieur. La voiture de mon ami s’immobilise devant moi. Les battements de mon cœur s’accélèrent quand je le vois sortir de sa voiture habillée de son costume de pirate. Il m’ouvre gentiment le coffre arrière pour que je puisse y mettre ma valise. « Salut ! Tu vas bien ? J’espère que tu es prête pour cette journée. » Je fais un léger mouvement vers lui. Par habitude, je lui aurais fait la bise, mais est-ce que c’est une bonne idée ? Je décide de m’abstenir au dernier moment. Je lui offre un sourire sincère. « Oui, je vais bien, et toi ? » Je le dévisage pendant quelques secondes avant de rajouter. « Il est beau ton costume. Il te va bien. » Je soulève quelque peu le bas de ma robe pour me rendre sans encombre du côté passager. « Eh oui, je suis prête pour cette journée ! » Je me glisse à l’intérieur de l’habitacle de la voiture. Il me laisse aux commandes de la musique. En route, nous ne sommes pas très bavards. Je me contente de lui sourire quand il me lance un regard. Pourquoi ai-je l’impression que nous sommes tous les deux timides ? Je me suis connue beaucoup plus bavarde par le passé. Quand nous arrivons enfin sur le site du festival. Je sens déjà une certaine fébrilité me gagner. Damien me donne mon badge que je glisse autour de mon cou. « Merci. » J’ose le retenir en déposant ma main sur son avant-bras. « Damien ? Je suis contente que tu aies pensé à moi pour cette journée. Je sais que ce n’est pas facile… » Je ne pousse pas plus loin dans mon explication. Il le sait très bien, que nous deux. C’est beaucoup plus compliqué qu’on le croyait à la base. « Par quoi veux-tu commencer ? » L’un de mes doigts vient tapoter mes lèvres tandis que je réfléchis. « On pourrait voir du côté des expositions ? Les conférences ne commencent que plus tard. Ah moins que tu as un petit creux ? » Comme pour me trahir, mon ventre fait un bruit de gargouillis atroce. « J’ai oublié de déjeuner avant de partir…. » Je lui fais un petit air penaud pour ma défense.

Je ressens une douce chaleur quand j’entends ses paroles. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Est-ce que c’est ça le bonheur? Cela fait un petit moment que je n’ai pas pu y goûter avec un homme. Cela me fait tout drôle. Est-ce qu’il le ressent lui aussi? À moins, que je me fasse des films. Il faut dire que cela ne serait pas la première fois. À sa demande, je lui propose quelques activités, tout en tâtant le terrain du côté de la nourriture. N’ayant pas eu le temps de déjeuner de façon convenable ce matin. Mon ventre me trahit ce qui attire aussitôt l’attention du jeune homme. « J’ai déjeuné pour ma part, mais ça ne semble pas être le cas de tout le monde. » Un petit rire nerveux s’échappe de mes lèvres. Je suis surprise quand sa main vient chercher la mienne. Mes doigts viennent naturellement se mêler aux siens. Comme si cette proximité était naturelle. Je me laisse guider puisqu’il semble savoir où se rendre pour que je puisse me nourrir convenablement. Je pousse l’audace de lui prodiguer de minuscules caresses avec mon pouce. Ce dernier glisse nonchalamment de bas en haut le long de la peau de son doigt. On arrive finalement dans une salle dédiée pour le buffet déjeuner. L’odeur des croissants ainsi que du café me fait saliver. Je délaisse la main de Damien pour pouvoir me servir à manger plus facilement. J’opte pour une salade de fruits (sans fraises, je m’en assure) avec de la crème chantilly. Un café aussi noir que l’encre pour accompagner le tout. Je m’installe en compagnie de mon ami à une table pour que nous puissions manger à notre aise. Je prends deux sachets de sucre que je déchire avant de verser le contenu dans ma tasse fumante. Je ne rajoute pas de crème ou de lait. J’ai horreur de ça. « Tu as un petit peu regardé le programme de la journée ? Comme ça, on sait un petit peu s’organiser pour qu’on ne rate rien de ce qu’on aimerait voir. » Je regarde Damien en souriant. « Bien sûr, une convention, ça se prépare, mon cher. » Je porte la tasse de café à mes lèvres pour en prendre une gorgée. « Il y a les artisans que j’aimerais voir. Leeloo m’a demandé de lui trouver une peluche en forme de dragon. Ma mère voudrait bien que je lui trouve un livre de recettes. » Je ne sais pas pourquoi, mais je préfère garder sous silence le fait que je voudrais bien trouver un petit quelque chose pour Malone. Damien ne semble pas apprécier mon frère de cœur et je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Je fais tourner ma cuillère dans ma tasse légèrement pensive. « Je sais que l’illustrateur John Howe sera présent, mais pour une dédicace ainsi qu’une photo, il fallait réserver des mois d'avance. » Il fallait également payer une petite fortune ou être pistonné par quelqu’un de l’intérieur. Ce qui dans les deux cas, ne peut s'appliquer à moi. Je hausse les épaules légèrement maussades. « Ce n’est pas grave, si je peux le voir de loin ça sera déjà ça de gagner. Il y a aussi une activité sur la danse. Ça pourrait t’intéresser non? » Je prends une bouchée de mes fruits avec de la chantilly. Purée que c’est bon. Je glisse ma langue doucement sur ma lèvre pour enlever la crème récalcitrante. « Même si, je me doute que ce n’est pas le même genre de danse que tu pratiques. » Je délaisse ma cuillère pour glisser mon doigt dans la montagne de crème. J’adore la sensation de fraîcheur sur ma peau. Il faut dire que j'ai la fâcheuse manie de manger la crème chantilly avec les doigts depuis que je suis toute petite. Je porte mon doigt à mes lèvres entrouvertes. Je laisse ma langue nettoyer toute la crème chantilly pour ensuite recommencer le procédé. « Tu veux goûter, joli cœur? » Je pose mon regard sur le visage de Damien. Je lui offre mon doigt recouvert de crème. Va-t-il se laisser tenter? Plus que les secondes s’écoulent pour sa prise de décision. Plus je sens les battements de mon cœur qui s’accélèrent. Je ne lâche pas des yeux le jeune homme avec un sourire légèrement mutin sur les lèvres.

Leelo m’a demandé une peluche, mais je sais très bien que je ne serais pas en mesure de m’arrêter qu’à cette surprise. Mon frère va encore râler en disant que je la gâte trop. Il faut dire que je m’en fiche tout de même. N’est-ce pas l’un des rôles d’une tante de gâter à fond sa nièce ? « On leur trouvera ça. Si tu cherches un livre en particulier on pourra aller voir un de mes anciens amis d’école ! Il expose justement aujourd’hui. » J’acquiesce de la tête tout en glissant une cuillère de fruits dans ma bouche. Manger me fait du bien. J’ai un peu de mal à manger à des heures régulières. Je ne vois pas le temps passer quand je travaille sur des projets. De plus, je suis curieuse de rencontrer des amis de Damien. J’ai envie de découvrir un peu plus son monde. Difficile de lui cacher ma déception à propos de l’illustrateur qui m’a inspiré dans mon choix de carrière. Si déjà, je peux l’apercevoir de loin. Cela me sera suffisant. « On fera tout pour le croiser, même de loin ! Je sais qu’il est ton idole. »  Il se souvient donc de ce petit détail ? J’ai même foutu un joyeux bordel dans sa librairie pour récupérer un livre que je considère comme le Saint-Graal. Un sourire mutin sur les lèvres, je lui présente mon index recouvert de la crème chantilly. Je lui demande sur un ton innocent s’il veut goûter. Une proposition un peu limite, si l’on considère le vœu dans l’équation. Surtout que l’on sait tous les deux comment ça peut vite déraper quand on franchit la limite. Il suffit de penser à notre soirée de l’horreur. C’est pour cette raison que j’ai pris le temps de réfléchir à toute cette histoire de vœu à la con. C’est que pure connerie ! C’est pour ça que j’ai décidé de ne plus me mettre de bâton dans les roues. Je n’ai plus envie d’être sage. Je ne quitte pas des yeux Damien qui semble peser le pour et le contre de mon offre. Néanmoins, il finit par faire un mouvement vers moi. Le bout de mon doigt disparaît entre ses lèvres. C’est terriblement sensuel. Je n’arrive pas à détacher mon regard du sien. Inconsciemment, je me mordille la lèvre inférieure quand je sens sa langue contre ma peau. Je baisse mes yeux sur ses lèvres. Purée, j’ai envie de l’embrasser. J’ai envie que sa langue vienne danser avec la mienne. Une main d’homme vient se déposer sur l’épaule de Damien. Ce qui fait voler en éclat notre petite bulle. « Désolé de te déranger, ta copine et toi, mais j’ai un changement de dernière minute. C’est maintenant ou jamais pour ta surprise. »  D’où il sort celui-là ?! Timide, je préfère terminer mon bol de fruits. Damien me présente à Edwin. Il ne prend pas la peine de corriger notre statut. Damien envisage-t-il cette possibilité ? Est-ce que mes signaux que je lui envoie commencent à porter ses fruits ? Le jeune homme me prend la main en m’invitant à le suivre. Qu’est-ce qui se passe ?! Je le questionne du regard, mais il reste silencieux. On passe une porte où il est clairement indiqué : « Personnel seulement. » On n’a rien à foutre ici ! Je suis sur le point de lui demander de s’arrêter quand je me heurte contre son dos. On se retrouve dans la section des loges. « Je t’ai dit que je t’avais prévu une surprise non ? Tu vas rencontrer ton idole. » Je cligne des yeux avant de me mettre à bégayer bêtement. « Attends, de quoi tu parles ?! » Il ouvre la porte après avoir toqué me laissant le loisir de rentrer en premier. John Howe se retrouve devant moi. Purée ! Mon cerveau a du mal à enregistrer les informations. Il est sur le point de me faire un « Blue Screen of the Death ». Je ne sais pas quoi dire. Tandis que l’homme s’approche de moi en souriant. Il me fait même une accolade. Nom d’un chien ! Je lui raconte qu’il a été mon inspiration pour mes études en graphisme. Je lui raconte également que je voudrais bien travailler dans le monde du jeu vidéo, mais que ce n’est pas un milieu facile. John me demande si j’ai avec moi quelques-uns de mes dessins pour y jeter un œil. Question de m’aider dans mon apprentissage. « Je n’ai pas ma tablette graphique avec moi. Je ne savais pas que j’allais vous rencontrer aujourd’hui. » Je tourne la tête vers Damien en souriant. « Mon ami a tout organisé à mon insu. » J’aurais bien dit : petit ami, mais ce n’est pas le cas. Ce ne serait pas correct de ma part de lui imposer un truc qui ne veut peut-être pas forcément.

C’est bien dommage de ne pas avoir quelques-uns de mes dessins avec moi. Chose dont j’informe le dessinateur. Ce n’est pas grave, c’est déjà beaucoup de pouvoir lui parler en privé. « Tu n’as peut-être pas ta tablette avec toi, mais j’ai tes dessins avec moi. Tu ne croyais tout de même pas que j’allais oublier ça dans ma surprise ? » Je lance un regard interrogateur à Damien. Attends, il a mes dessins ? Quand ? Comment ? Ils les avaient enregistrés sur son portable ? Le téléphone de mon ami se retrouve entre les mains de mon illustrateur favori. Je le vois qui glisse son doigt sur l’écran tactile pour grossir certaines zones des dessins. Je suis sur les nerfs. Et si mon travail est complètement nul à ses yeux ? J’ai du mal à respirer normalement. Je ne vais pas faire une attaque de panique là maintenant ?! Ça serait totalement con ! Je me rends compte que Damien s’est approché de moi quand sa main vient doucement trouver la mienne. Ses doigts enserrent les miens avec douceur. Je tourne la tête pour le regarder. Son sourire rassurant me calme petit à petit. « Pose toutes tes questions, profite pour avoir toutes les clefs pour t’améliorer encore plus ! » Je lui murmure un « merci » tout bas pour qu’il soit le seul qui puisse l’entendre. S’il savait comment j’aurais envie de l’embrasser pour le remercier. Mon attention est de nouveau sollicitée par l’illustrateur. Le dessin qui regarde est justement celui d’une armure. C’est l’un de ses domaines dans lequel, il excelle. Il me conseille de m’inspirer d’une vraie armure pour faire mes croquis. Quitte à demander à quelqu’un de jouer le modèle. Il pointe Damien du doigt en indiquant qu’il a la carrure pour pouvoir enfiler une armure lourde. Je le questionne sur comment je pourrais rendre les métaux plus réalistes. Il me prodigue moult conseils. Je l’écoute avec attention. Je lui pose des questions sur quel paramètre utiliser pour accentuer tel ou tel détail ! C’est un échange plutôt enrichissant. John accepte volontiers de prendre une photo. J’aurais bien voulu rester plus longtemps en sa compagnie, mais il y a des délais à respecter. Avant que nous le quittions, l’illustrateur me remet une carte avec une adresse courriel inscrite à son dos. Il m’indique que si je désire lui envoyer mes dessins et discuter d’art, je suis libre de le faire. Bon là, mon cerveau fait vraiment le « Blue Screen of the Death » c’est inespéré comme chance. Je le remercie une dernière fois avant de quitter la loge en compagnie de Damien. J’attends que nous soyons en dehors de la zone réservée au personnel, pour le chahuter quelque peu. « Tu avais vraiment tout prévu depuis le début, espèce de “ Klaer.* ” » Mon norvégien ressort quand je suis dans tous mes états. Sans réellement réfléchir, je viens me blottir contre lui, entourant sa taille de mes bras et déposant ma tête contre son torse. « Je t’aime Damien, tu es un ami exceptionnel, tu le savais ça ? » Je lève la tête pour le regarder en souriant. C’est à ce moment que je percute ce que je viens de lui dire. Est-ce que je viens vraiment de lui dire que je l’aime ? Est-ce qu’il la comprit aussi ? Timide, je l’embrasse sur la joue avant de lui prendre la main à mon tour. « Allez bien, on a des trucs à voir ! » C’est à mon tour de le diriger, la section des exposants est variée cette année. Je sais exactement à quel endroit je vais trouver la peluche pour Leeloo. Je m’arrête quelques instants devant une table ou il est exposé des bijoux faits main. « Oh, un collier avec un pendentif en forme de tournesol. » Je tourne mon attention sur Damien. « J’adore cette fleur, quand j’étais petite j’allais souvent jouer chez la voisine qui en faisait pousser dans son jardin. Ça m’a toujours fasciné de les voir suivre le soleil. En plus, j’étais minuscule à côté de ses plantes ! » Je fais signe à Damien de m’attendre quelques instants, car je viens de repérer quelque chose d’intéressant pour Leeloo. Je tourne les talons et me faufile dans les foules. Il commence à avoir de plus en plus de monde. Alors si l’on peut s’éviter de rester trop longtemps dans la zone des artisans. Cela serait tout bénef pour nous. Je reviens vers mon ami avec mon nouvel achat pour ma nièce. « C’est une boîte à musique faite à la main. Pour l’aider à s’endormir. » Notre dernier arrêt se trouve à être à la table où l’ami de Damien expose. Je trouve un livre qui pourrait plaire à ma mère. J’espère pouvoir récolter un peu les plats qu’elle va cuisiner avec ce livre. « Tu veux faire quoi maintenant ? Tu veux jeter un coup d’œil du côté de l’activité de danse ? »

Le petit sourire en coin de Damien accentue encore plus son petit côté garnement. Il ne semble pas plus incommodé par mes toutes petites remontrances. Je crois même qu’il s’en amuse. « Bien sûr ! Je n’allais tout de même pas te laisser passer à côté de cette chance ! Klaer ? Je dois le prendre comment ce mot ? » Il est mignon avec son accent. Il faut dire que ma prononciation n’est pas parfaite non plus. Je pratique que peu la langue de mon père. « Je t’ai traité de garnement. À toi de voir comment tu veux le prendre, joli cœur. » Par la suite, ma réaction à son endroit est loin d’être réfléchie quand je viens me blottir contre lui. Mon demi-aveu n’a pas l’effet escompté sur sa personne. « T’es la première à me le dire. T’es une amie formidable aussi ! Je suis ravi d’avoir pu t’offrir ce moment. » Je tente de garder un sourire de façade plus ou moins convaincant. Est-ce que je viens de me faire « friendzoner? » Alors, pourquoi diable, j’ai l’impression qu’il a envie de m’embrasser ? Je me perds à nouveau dans son regard comme il se perd dans le mien. Je décide de couper court au moment. Il reste beaucoup à faire. Comme le jeune homme le dit si bien j’ai une nièce à gâter. Une échoppe attire mon attention, en fait, c’est plutôt les tournesols. Un souvenir d’enfance remonte dans mon esprit. C’était une belle période de mon enfance. C’était des années avant l’incident, avant que tout se complique. « Il est magnifique en tout cas. Je t’imagine assez bien jouer parmi les plantations de tournesol. Elle te correspond hyper bien cette fleur je trouve. » Cette fleur me correspond ? Il n’est pas le premier qu’il me le dit. Un petit rire m’échappe. « Oui, souvent mon frère devait venir à ma rescousse, car je me perdais dans la plantation. » Il me retrouvait souvent en pleur au milieu des fleurs géantes, mais cela ne m’empêchait aucunement de revenir le lendemain matin m’y perdre à nouveau. Je délaisse mon ami que quelques instants pour ensuite revenir avec quelques achats supplémentaires pour Leeloo. Chose qu’il n’échappe pas à son attention. « C’était pas juste une peluche pour Leelo ? Tata va encore craquer pour elle. » Je fais une légère moue, comme le ferait une gamine prise en faute. « La gâtée, un peu, ne fait pas de mal, si ? » Je marque une pause avant de rajouter pour me justifier. « Ce n’est pas un achat inutile… le sommeil c’est important. » Si seulement, je pouvais appliquer ce conseil à moi-même. J’ai loin d’avoir un rythme de sommeil standard. Heureusement que nous avons deux chambres séparées, ainsi si je me réveille à cause des cauchemars. Je ne nuirais aucunement au sommeil de Damien. Je lui propose d’aller voir l’activité de danse. Puisque c’est quelque chose qui risque de lui plaire. J’aime bien la danse, mais quand elle ne m’implique pas. Je n’ai aucune coordination et aucune souplesse dans ce domaine. Je remarque que l’un des danseurs me lance des regards. Une invitation muette pour que je le rejoigne. Je fais un sourire poli tout en secouant la tête de façon négative. C’est qu’il est têtu, ce con. Il se décide à venir à ma rencontre quand je me sens tirer par Damien sur la piste de danse. « Attends ! Tu fais quoi là ?! » Trop concentré à trouver une façon de faire fuir le danseur têtu, que j’ai négligé celui qui se trouve à mes côtés. Je lance des regards nerveux autour de moi. La musique n’a pas encore débuté laissant les couples de danseurs se former. « Damien… je ne sais pas du tout danser…. » Pourtant, il le sait. Il me rapproche un peu plus de lui. « Rassure-moi, en me disant que tu sais danser ça… pitié… » La réponse ne risque pas de me plaire quand la musique débute. J’étouffe un petit cri de surprise. Je décide de lâcher prise et laisser Damien me conduire. Comme mon père le faisait quand nous dansions tous les deux dans le salon de la maison familiale. Un sourire se dessine sur mes lèvres et ne le quitte plus. Je ne peux m’empêcher de rire quand mon ami me fait tourner sur moi-même me rattrapant à la dernière minute quand je perds l’équilibre. Je me rattrape à ses épaules. Mes yeux se plongent dans les siens. « Ne me laisse pas tomber… » Je suis comme hypnotisé par ses prunelles. Le bout de mon nez vient caresser doucement le sien. Mes lèvres se rapprochent doucement des siennes. Ouais, je vais le faire, c’est le bon moment. Nos lèvres sont sur le point de se joindre quand la musique s’arrête. Notre petite bulle explose à nouveau. Tandis que je me recule en riant. « C’était amusant, mais je vais être courbaturé demain matin. » C’est raté pour un rapprochement.

Le reste de la journée se déroule sans problèmes. Je veux assister à quelques conférences et c’est donc avec l’une d’elles que l’on termine la journée. En sortant de la salle, j’étouffe un bâillement. « On va récupérer nos chambres à l’hôtel ? On va abuser du service aux chambres ? » Je rêve de retirer mon costume et d’enfiler quelque chose de plus confortable. Ma perruque commence à me gratter. Malheureusement, je ne m’attendais pas à devoir subir une épreuve à notre arrivée à l’accueil de l’hôtel. C’est avec surprise que l’on me remet qu’une seule clé. « Hm, j’avais réservé pour deux chambres. » La jeune femme derrière le comptoir me fait un sourire d’excuse. « Nous avons dû procéder à un changement à cause d’un achalandage plus élevé. Il y a deux lits dans votre chambre si cela vous inquiète. » Nerveuse, je n’ose pas, regardez Damien. Merde, je n’avais pas prévu ça. Je cache mes mains pour qu’il ne les voie pas trembler. « Non, c’est bon… on va s’en accommoder. » Je paye la note en silence pour ensuite prendre la direction de notre chambre. Ma respiration s’accélère, l’angoisse me prend à la gorge. Quand Damien est sur le point d’ouvrir la porte. « Attends ! » Ma voix tremble. Je le vois suspendre son geste. « Je te jure que je n’ai pas prévu ça à la base. On devait vraiment avoir deux chambres. » Pourquoi, je lui répète ça. Il l’a bien compris. « Avant que l’on rentre, je dois te dire quelque chose. »  Je me mets à jouer avec mes mains nerveusement. « Quand je disais qu’il y a des choses sur moi qui pourraient te faire changer d’avis à mon sujet. Bien, tu vas être témoin de l’une d’elles. J’ai un toc depuis le cambriolage. C’est plus fort que moi, je dois absolument vérifier partout où une personne pourrait se cacher. C’est bizarre, je le sais, mais je t’en pris, ne me juge pas… »

Nous étions si proches l’un de l’autre. Il aurait suffi d’un petit mouvement de notre part pour sceller nos lèvres l’une contre l’autre. Les choses étant ce qu’elles sont. Le moment est bêtement rompu par l’arrêt de la musique. C’est terriblement frustrant. Je cache tant bien que mal cette frustration derrière un sourire. Ça me gonfle tout ça. Il faut croire que je me fais des films. Je devrais peut-être jeter l’éponge et tenter de passer à autre chose. Damien ne semble pas comprendre les signaux que je lui envoie ou il les comprend très bien. Dans ce dernier cas de figure, il est probable que mon ami soit trop « gentleman » pour me faire du mal en me remettant à ma place. Je retiens un soupir de découragement, ça ne fait aucun sens ! Je n’ai plus les idées claires. « Une nouvelle danse et ça repartent ! Ou alors on fait des étirements et tu n’as plus à danser ! » Il n’en est pas question. Je refuse net, prétextant le début d’une conférence dont j’ai envie d’aller voir. Le reste de la journée se passe sans encombre. Ma frustration accumulée est légèrement atténuée. Je sais bien que nous allons devoir avoir une conversation tous les deux, mais je préfère retarder l’échéance. J’ai peur de sa réaction, peur de le perdre. Certes, son amitié m’est très précieuse, mais elle me contente plus. Je désire plus de lui. Je désire son cœur. Une chose impossible à demander à un ami qui a peur de l’engagement. Tsss, Ingrid, pourquoi il faut toujours que tu tombes amoureuse d’un mec compliqué. Il faut croire que j’aime me faire du mal. Le soir commence à tomber. Je suis contente que Damien accepte que l’on prenne possession de nos chambres pour la nuit. Je rêve d’une douche chaude et d’un lit moelleux. Mes désirs si simples se font bêtement écraser par une énorme tuile. Purée, une chambre pour deux. Je n’ai nullement le choix d’accepter cet état de fait. Je pourrais bien faire une mini crise à l’hôtesse, mais ce n’est toujours pas de sa faute si avec le festival, l’hôtel est bondé ! Résignée, je suis Damien jusqu’à notre chambre commune. Cependant, je craque avant que nous rentrions dans la chambre. Je lui avoue l’existence de mon toc. Une chose peu facile pour moi. J’ai peur de sa réaction. Est-ce qu’il va éclater de rire, comme la fait Keynes ? « Oh je comprends… Je te laisse donc entrer dans la chambre et tout vérifier, il n’y a pas de souci pour moi. Je suis là si tu as besoin d’aide. Je ne te jugerai pas voyons. » Il est rassurant. Je laisse sortir un long soupir de soulagement. « Je préférais que tu rentres avec moi… au cas où. » Cette peur viscérale qui me prend aux tripes est légèrement altérée par la présence de mon ami. Je rentre la première, je laisse Damien fermer la porte derrière lui. Mes sens sont tous en alerte, mon mode survie est activé. J’ouvre la penderie pour regarder à l’intérieur. Je continue avec les dessous de lit ainsi que la fenêtre. On a une belle vue sur la ville. Je termine ma tournée d’inspection avec la salle de bain. C’est au bout de quelques minutes que je sors de cette dernière. « C’est bon, tout est OK… » Je sens mes muscles qui se libèrent de leurs tensions. Ça me bouffe tellement d’énergie. Je retire ma perruque rousse pour enfin libérer mes cheveux. Je pousse un soupir de plaisir tandis que je viens jouer dans mes cheveux avec mes mains. « Ahh, ça fait du bien ! » Sans me soucier réellement de la présence de Damien, je tire sur les ficelles qui retiennent le haut de ma robe. Libérant un peu plus mes épaules et dévoilant le corset en dessous de cette dernière. « Je vais prendre une douche, tu pourras y aller ensuite. » Je récupère rapidement les vêtements qui me servent de pyjama et mon nécessaire de toilette. Je m’enferme ensuite dans la salle d’eau. L’eau chaude qui coule sur mon corps me fait un bien fou. Mon savon à l’odeur de vanille et magnolia m’aide à me détendre. J’ai l’impression que la tension ainsi que la frustration s’écoulent de mon corps grâce à l’eau. C’est après une vingtaine de minutes que je sors finalement de la salle de bain. Un nuage de vapeur dans mon sillage. Je sèche mes cheveux doucement avec ma serviette. Damien n’est plus dans la chambre. « Damien ? »  La porte de la chambre s’ouvre. Quand on parle du loup. « Ah ! Tu es là, tu peux prendre ta douche si tu veux. » Je m’attèle à brosser mes cheveux pour les libérer de leurs nœuds. Je porte un vieux t-shirt de Garfield, avec un short assorti qui arrive juste un peu en haut des cuisses. Il est vieux, mais je n’arrive pas à me résigner à le jeter. Je prends place sur le lit qui va être le mien pour la nuit. Tout en continuant de me batailler avec ma chevelure rebelle.

Le souci avec mon toc, c’est que je ne suis jamais rassurée à 100 %. Il y a toujours une peur latente qui n’attend que le bon moment pour se jeter sur moi. Souvent, c’est au beau milieu de la nuit dans un endroit qui m’est inconnu. Comme dans la chambre d’hôtel où je me trouve par exemple. Je m’en voudrais de troubler le sommeil de Damien avec mes soucis. Je me sens mieux quand je sors de la douche. Le jeune homme n’est plus dans la chambre. Où est-il allé ? Je n’ai pas le temps de me poser plus de questions à son sujet, car il revient les bras pleins de victuailles. Il semble légèrement troublé quand ses yeux se posent sur moi. Inquiète, j’observe mon pyjama avec plus de précautions. A-t-il une tâche ou un trou à un endroit peu recommandable. Je dois dire que j’ai déjà goûté à la médecine des coutures qui lâche en compagnie du jeune homme. Je l’informe qu’il peut monopoliser à son tour la salle de bain. « Oui… j’y vais, merci. » Étrange, le temps que mon ami est sous l’eau j’en profite pour terminer de brosser mes cheveux et faire un appel. Leeloo m’a demandé de l’appeler pour que je lui souhaite une bonne nuit. Puisque son heure de dodo approche, c’est maintenant ou jamais. « Je t’aime aussi. Tu veux savoir comment? Hmm, je t’aime trois fois l’infini. Dors bien. On se voit demain comme promis. » Je lève les yeux sur Damien qui sort de la salle de bain sur l’entrefaite. « Je parlais avec… » Je m’arrête de parler quand mon regard découvre la peau qui s’offre à mes yeux. Wouah ! Le jeune homme semble contrarié. « Verdomme !* » Je me mords les lèvres. Il est diablement sexy quand il s’énerve. On dira ce que l’on voudra à propos de la danse, mais ça vous sculpte un corps. J’ai beaucoup de mal à regarder ailleurs. J’en oublie même ce que je voulais lui dire. Bof, est-ce que c’est si important ? « Sers-toi. Promis, aucune fraise dans le chocolat ! Tu ne risques rien. » Un sourire se dessine sur mes lèvres à cette affirmation. Il est adorable avec moi. Je prends un sandwich ainsi qu’une barre de chocolat. J’allume la télévision dans l’espoir de trouver quelque chose de potable. Je ne peux pas le dévisager tout le reste de la soirée. Ce n’est pas très poli. Un morceau de poulet tombe dans mon t-shirt. Heureusement, les jumelles ont freiné sa chute. Le petit morceau récalcitrant ainsi récupéré retrouve le chemin de ma bouche. Peu de temps après avoir mangé, je fais un rapide saut à la salle de bain pour me brosser les dents. « Ça ne t’ennuie pas si l’on ferme la lumière ? Je me sens fatiguée. » Je m’approche de son lit pour lui donner un baiser sur le front. « Bonne nuit, joli cœur. » Je viens ensuite me rouler en boule dans mon lit. Mes paupières papillotent un moment pour ensuite se fermer. J’ignore combien de temps je dors, mais quand je me réveille dans mon lit en sueur. La chambre est plongée dans une noirceur inquiétante. Ce que je redoutais vient de se produire. Terreur nocturne, encore à mon âge. Je m’assure que Damien dort toujours à point fermer dans son lit. Je ne veux pas le réveiller. Je me glisse en dehors de mon lit pour ouvrir la fenêtre. Un peu d’air frais ne pourra pas me faire de tort. En catimini, je m’approche du lit de Damien. Il dort à point fermer. Il est tout mignon. Je me risque à lui déplacer une mèche de ses cheveux rebelle derrière l’une de ses oreilles. « Eg elskar deg.* » Je lui murmure tout bas pour ne pas qui se réveille. Je ne me sens pas l’envie de revenir dormir dans mon lit. Je me dis que je peux toujours tenter de me calmer, coucher à côté de lui ? Je fais bien attention de ne pas le réveiller tandis que je me glisse sous les couvertures. Oui, juste quelques secondes. Mes yeux se ferment doucement. Quand je me réveille, les rayons du soleil envahissent la chambre. Je suis blotti dans les bras de Damien. Quand je lève les yeux vers les siens. Il est lui aussi réveillé. « Bon matin, joli cœur… »

Officiellement, je ne suis pas une fille du matin. Je rouspète toujours quand il s’agit de sortir du lit. Cela a toujours été ainsi et cela ne risque pas de s’améliorer en avançant dans la vie d’adulte. Par contre là, il faut m’expliquer comment on a pu passer à une caresse sur la joue et un : "bonne nuit princesse" à un réveil aussi brutal. Je suis tombée dans la quatrième dimension ou quoi ? Damien est visiblement de mauvais poil. Je grogne tandis que je me cache la tête sous l’oreiller. « Dit Ingrid. Dormir en ma compagnie n’était peut-être pas la meilleure idée… surtout lorsque de ton côté t’es en couple… Je me trompe ou c’est pas terrible comme acte ? Verdomme ! T’as trop d’influence sur moi, sur mon corps, sur tout ! C’est toi toute entière qui me rend fou ! Et tu viens juste dormir comme ça… C’est pas très raisonnable, surtout dans ta situation ! T’es en couple ! » Purée, mais quelle mouche la piquée ? Il est trop tôt pour s’égosiller de la sorte. Je sors la tête de sous l’oreiller pour le regarder. Mes yeux s’arrêtent doucement sur une partie de son anatomie avant de remonter vers son visage. « Quoi ? C’est le fait que tu as la trique de bon matin qui te fout en rogne ? Écoute, je te signale que j’ai un grand frère. Votre anatomie n’a pas de réel secret pour moi. Je te rassure tous de suite, c’est une situation normale. » J’ai dû mal à comprendre pourquoi, il fait une fixette sur le fait que je soi en couple. C’est une sorte de métaphore cheloue pour désigner le vœu ? Il s’en soucis, maintenant ? Je m’étire à mon tour et m’extirpe du lit. Un lit que je ne voulais pas quitter si tôt. Il est quelle heure d’ailleurs ? Sept heures du matin ?! Rahhh, il exagère ! « Je n’ai rien fait de mal. Tu avais qu’à me pousser en bas du lit si tu voulais jouer au saint ! » Je le contourne pour récupérer mon sac pour en sortir mes vêtements pour la journée. Depuis quand s’accroche-t-il autant à ce vœu à la con ? « Je te signale que ça ne te dérangeait pas trop jusqu’à maintenant. De plus, tu ne t’es pas gêné pour me mâter et même répondre à mon baiser dans le cou. » Il ne va pas jouer à la petite mijaurée avec moi. « Tu es tout aussi coupable que moi dans ce cas de figure. » Je lui tourne le dos tandis que mes mains viennent tirer sur le bas de mon t-shirt. Je le retire sous les yeux probablement ébahis de Damien. Il ne peut voir que mon dos nu. J’enfile mon soutif ainsi qu’un autre t-shirt. C’est ensuite autour de mon bas de pyjama qui est retiré. Heureusement pour lui, j’ai une jolie paire de culottes noires semi-transparente qui recouvre mes fesses. « Ne fais pas ta foutue Sainte-Nitouche. Tu ne t’es pas gêné pour les regarder la dernière fois. » Mon vieux jeans vient me compléter ma tenue. Je range mes vêtements dans ma valise et la referme. « Tu as quelque chose d’autre à me dire ? » Je me tourne vers lui en croisant les bras sur ma poitrine. Pourquoi toujours tout est si compliqué avec lui ?

Le voir s’énerver comme une donzelle commence sérieusement à me courir sur les nerfs. Je ne suis pas d’humeur avant mon premier café. Dans ce cas de figure, je me retrouve à devoir gérer une colère sans mon parachute de caféine. Ça va chier, c’est moi qui vous le dis. Le cours d’anatomie 101 que je lui offre ne semble pas lui plaire, bien au contraire. « Ça n’a strictement rien à voir ! Ce n’est pas ça qui me fout dans cet état. Oui, je sais que c’est naturel et même normal, je vis dans ce corps depuis vingt-six ans je te rappelle ! » Je lève les yeux au ciel. Une réplique tout aussi piquante vient aux bords de mes lèvres. Impossible pour moi de la retenir. « Alors tu devrais savoir quoi faire ! À moins, qu’il faut que je te fasse un dessin détaillé ? La masturbation rend moins hystérique, tu devrais essayer. » Je le contourne pour pouvoir avoir accès à ma valise. Est-ce qu’il va se calmer ou en rajouter une couche ? « Bien sûr, je vais te jeter en bas du lit la prochaine fois ! C’est vrai que c’est totalement acceptable comme chose à faire ! On est coupable ensemble alors ! Tes yeux aussi n’ont pas été très distants. » Il me prend vraiment la tête pour ce putain de vœu ? Il se fout de moi, là ce n’est pas possible ! « C’est un don chez toi d’être aussi con le matin ? Gud* ! Je ne t’ai pas violé, j’ai juste dormi à côté de toi ! On dirait qu’à tes yeux, je suis coupable d’avoir tué des bébés chatons ! Tu es puceau ou quoi ? »  J’ouvre ma valise de façon rageuse. Je tourne la tête dans sa direction pour répondre au dernier point qu’il a soulevé. « Tu sais, j’ai le droit de regarder le menu quand il se montre à moi. Je ne vais certainement pas détourner les yeux. Tu as fait pareil de toute façon. Ce n’est pas un crime ! » Au moins, quand je lui tourne le dos pour m’habiller. Il la boucle. Un peu de silence de sa part va me faire du bien. « Te dire quoi ? Que ce putain de vœu commence à me gonfler, que j’ai eu envie plus d’une fois de l’annuler, d’annuler le fait qu’on ne devait pas tomber amoureux ?! C’était une connerie sans nom de le prononcer ! Bordel t’es la femme qui m’attire le plus en ce moment, celle que j’ai constamment envie de voir, et te voila avec l’autre… Malone ! » Les bras croisés, je l’écoute sans broncher. Pourquoi, il me parle de Malone ? Ma relation avec lui le dérange à ce point ? Bordel, Malone c’est comme un frère pour moi. Il me semble que c’est clair comme de l’eau de roche. Je ne vais certainement pas briser mon amitié avec ce dernier pour faire plaisir à Damien. « Malone n’est pas à calculer dans l’histoire. Il s’en fiche de toute façon avec qui je passe mes journées. Ça ne devrait absolument rien changer entre nous Damien. » Je sens mes muscles se tendre comme un fil quand il évoque la règle qui a voulu lui-même instauré. « Tu n’avais qu’à ne pas m’imposer cette règle. Il est trop tard pour ça. » Je me pince les lèvres. Oui, trop tard, car je suis déjà amoureuse de lui. Des coups dans le mur se font entendre avec des insultes pas piquées des vers. « Kukosk**, la ferme ! » C’est ce que je hurle à notre voisin qui se trouve de l’autre côté de la cloison.

Il n’en rate pas une, celui-là. Outrée quand il me relance sur ma pique en lien avec la masturbation. Je dois me mordre la langue pour ne pas lui envoyer une insulte à la gueule. En ce moment, celui qui fait plus la « fille hystérique » c’est lui ! Au moins, mon jouet vibrant ne m’emmerde pas de si bon matin. Il ne fait pas de crise et lui au moins me fait crier de plaisir pas de colère. J’avoue que le traiter de puceau n’est pas la chose la plus délicate que je puisse lui dire. Je le vois bien que sa virilité toute masculine vient d’en prendre un sacré coup. « Con un jour, con toujours ! Puceau ? C’est tout ce qui te vient à l’esprit ? » Je hausse les épaules avant de le regarder et lui dire le plus sérieusement du monde. « Tu veux vraiment que j’élabore, là-dessus ? » Je continue de ranger mes choses rageusement. Ça risque d’être le fouillis monumental dans ma valise, mais bon, tout ce que je veux c’est pouvoir quitter cet endroit au plus vite. « Parce qu’il accepte que hier soir tu passes la soirée dans ses bras et ce matin tu te retrouves dans les miens ? Quel genre de couple vous êtes ? Ça change tout Ingrid ! Parce que c’est impensable pour moi qu’on puisse avoir ce genre de relation. Non, mais… t’imagines un peu… trouple… » Ces mots viennent me percuter comme un train à grande vitesse. J’arrête complètement de bouger, tandis que mon cerveau analyse l’information que vient de cracher Damien. Non, il ne me croit pas ainsi ?! « Parce que c’est ma faute ? Tu as été la première à proposer qu’on fasse un pacte de célibat ensemble ! On était d’accord tous les deux, et si la règle ne te convenait pas, tu pouvais très bien me le dire. » Je hurle des insultes à notre voisin de chambrer pour faire sortir la douleur qui me prend peu à peu possession de moi. Je ne dis plus rien tandis que j’observe Damien qui récupère ses effets personnels un peu partout dans la chambre. Comment en sommes-nous arrivés là ? Je prends une profonde respiration tandis que je sens les sanglots qui viennent doucement s’enrouler comme un serpent dans ma gorge. « Alors… c’est vraiment comme ça que tu me vois… ? » Ma voix est redevenue basse. La colère laisse place à une tristesse sans nom. Je m’approche de Damien, je soutiens son regard malgré que des larmes menacent sérieusement de me dévorer les joues. J’ai ma fierté. « Je prends le blâme pour le vœu, c’est vrai, c’était mon idée. J’en prends la responsabilité. La règle est la tienne. C’est toi d’emblée qui m’as rejeté avec cette règle dès le départ. » Je me détourne de lui pour prendre ma valise que je traîne jusqu’à la porte de la chambre. La main sur la poignée, je me tourne de nouveau vers lui. « Je crois que nos chemins doivent se séparer. Je te demande juste de me conduire chez moi. Après, je sors de ta vie. Je t’attends à la voiture. » Je sors ensuite en vitesse de la chambre. Le voisin ouvre la porte pour en découdre avec moi, mais je suppose que mes larmes le retiennent. Quand l’air du matin me fouette le visage. Je laisse libre cours à un sanglot. Je ne veux pas craquer devant Damien. Je ne veux pas qu’il me voie faible. Je pourrais pleurer jusqu’à ce que je n’ai plus de larmes dans le confort de mon appartement. À l’abri des regards. C’est donc l’air le plus stoïque possible que je fais le pied de grue devant la portière du côté passager. Je refuse de mettre mon sac dans le coffre. Il sera plus facile de sortir de sa voiture avec mon sac à porter de mains. Je me blottis contre la portière, les écouteurs dans les oreilles me refusant à toute conversation avec le jeune homme. La route est longue, trop longue. C’est insupportable de se retrouver dans un endroit aussi étroit avec lui. J’ai mal, une douleur vive, que j’espérais ne plus jamais vivre. La voiture s’immobilise après plus d’une heure de route. La plus longue de toute ma putain de vie. Il ne prend pas la peine de se stationner correctement. La voiture se trouve donc en double ligne. J’ouvre la portière en silence, fin prête à sortir de sa voiture ainsi que de sa vie quand je réalise un truc. Je tourne la tête dans sa direction. « Je ne sais pas pourquoi tu penses que je suis en couple avec Malone. C’est mon frère au même titre que Raphaël. J’ai toujours été sincère avec toi. » Je marque une pause avant de poursuivre. « Hier soir, je souhaitais bonne nuit à Leeloo. C’est à elle que je lui disais je t’aime. Je crois qu’il fallait que tu le saches. » Je sors finalement de la voiture. « Au revoir Damien. » Je referme la porte, je dis en quelque sorte adieu à cette histoire. Je dis adieu à une amitié hors norme. C’est fini avant même d’avoir commencé. Je m’enferme chez moi à double tour. Je peux enfin vivre ma peine comme je le veux.