Horror Night

La fête de l’effroi est à notre porte. L’Halloween est dans quelques jours, j’ai donc proposé à Damien une petite soirée cinéma d’horreur. Je ne suis pas une grande adepte de ce genre de cinéma, car je suis une grande trouillarde. Surtout quand il s’agit des films sur le paranormal où il y a la possibilité de sursauter à tous les instants. Storm a eu la gentillesse de me prêter quelques vidéos lui appartenant. Il ne m’a pas cru quand je lui ai dit que c’était une soirée entre amis. Il s’est contenté de m’offrir un petit sourire en coin. Il faut dire que ma mère et mon père n’y croient pas à cette toute nouvelle amitié. Puisque je parle de tout avec mes parents, je leur ai parlé du vœu de célibat. Ils ont bien rigolé. Je ne cacherais pas que cela m’a légèrement vexé. Ç’a ébranlé quelques-unes de mes convictions. Stupide vœu à la con. Pourquoi ai-je eu une idée pareil ? Maintenant, il est trop tard pour reculer. Damien m’a demandé de venir déguisé. Je ne voulais pas remettre mon costume de Jedi. Je l’avais porté pour l’évènement à l’hôpital. En fouillant, dans mes nombreux cosplays, mon choix, c’est arrêté sur mon costume de la princesse Zelda du jeu Breath of the Wild. Le costume n’est pas trop révélateur. Il m’a toujours fait penser à un costume de pirate. Et Damien aime les pirates. Je commence par enfiler la tunique suivie du pantalon et des bottes. Je termine par la ceinture en cuir travaillé. La princesse Zelda est blonde et je suis loin de l’être. Je camoufle donc mes cheveux sous une belle perruque blonde déjà stylisée pour se costume. Il me reste que les oreilles de style elfe à appliquer sur mes propres oreilles. Debout, devant mon miroir, je fais les derniers ajustements. Je me permets un léger maquillage. Simplement pour mettre l’accent sur mes yeux ainsi que sur mes lèvres. Je prépare un sac avec des vêtements de rechange ainsi que quelques effets de toilettes qui pourraient m’être utiles. Non, pas que je prévois dormir chez Damien ce soir, mais je ne pense pas rentrer chez moi costumé. La deuxième mission que Damien m’avait donnée c’était de m’occuper de la nourriture. Je crois qu’il ne voulait pas se risquer avec l’histoire de la mousse au chocolat et fraise. N’ayant pas eu l’envie de me mettre derrière les fourneaux. J’ai tout simplement passé commande pour un mini buffet à la sandwicherie du coin. Sandwich à la viande, trempettes et légumes et pour dessert tartelette aux citrons. Après avoir récupéré le tout sous le regard médusé du propriétaire de la sandwicherie. Je prends la direction de l’appartement de mon ami. J’ai pris ma voiture, ainsi je m’évite bien des désagréments des transports en commun. Je me trouve une place pour stationner ma voiture tout près de la librairie. Je récupère nos provisions pour la soirée ainsi que mon sac de voyage dans le coffre. Je grimpe ensuite les quelques marches qui me séparent de la porte de l’appartement de Damien. Mon doigt s’appuie légèrement sur le carillon. Je regarde autour de moi, le temps que Damien vient m’ouvrir. Du coin de l’œil, je vois que la porte s’ouvre, mais je n’étais pas préparé à ce genre d’apparition. « Salut joli cœur ! » Damien apparaît déguisé en clown. « Bouh ! » Je pousse un petit cri de frayeur. Je laisse tomber mon sac de voyage au sol pour venir apposer ma main sur mon cœur. « Purée ! Tu m’as fait peur ! » Cela promet pour la soirée cinéma, surtout si la simple vu d’un costume de clown me fait peur. J’entre dans l’appartement qui est décoré pour l’occasion. « Woaah, tu n’as pas fait dans la demi-mesure. » Je lui fais un clin d’œil tout en déposant le sac contenant notre nourriture pour la soirée sur la table basse du salon. « Très joli costume, même si tu m’as effrayé. » Mon regard s’arrête quelques secondes sur la poupée flippante sur le canapé. « Tu as passé une bonne journée ? »

« C’était le but ! » Forcément que c’était le but de me faire sursauter. J’ai été lui dire que l’on pouvait m’effrayer facilement. Je lui offre les « armes » contre moi d’une façon déconcertante. J’entre dans son appartement, la décoration est vraiment dans le ton de la fête de l’horreur. Malgré la décoration de l’Halloween temporaire, je remarque que le jeune homme est quelqu’un de soigné. Il n’est pas du genre bordélique, dû moins si on le compare à moi. Le désordre est une seconde nature chez moi, quand j’invite quelqu’un à mon appartement. Je dois absolument prendre mon avant-midi pour y mettre de l’ordre. Sinon mon invité peut trouver un de mes soutiens gorges coincés dans les coussins du canapé. C’est un exemple de trouvaille possible parmi tant d’autres. « J’avoue que j’ai peut-être un poil exagéré sur ce que j’ai installé. » Mes lèvres s’étirent en un sourire amical. Il est clair que Damien ne fait pas dans la demi-mesure. Une qualité que j’aime bien chez lui. « Ce n’est pas grave, ça nous met bien dans l’ambiance. » Je me déplace dans le salon pour me poster devant la toile que je lui ai offerte. Cela me fait drôle de voir l’une de mes œuvres bien en vue ailleurs que chez moi. Je remarque qu’aucune décoration ne vient l’altérer. « Je suis vraiment contente que mon dessin te plaise autant. Ça habille vraiment bien le mur de ton salon. » Je le complimente sur son costume. En l’observant de plus près, il m’est beaucoup moins effrayant. « Merci. Le tien est remarquable ! Tu as été dans le détail ! Tes oreilles, la perruque. Par contre, s’il vient d’un jeu, je ne connais pas… Mais tu me fais penser à une pirate ! Le genre de pirates que je pourrai bien intégrer à mon équipage. » Je me sens légèrement rougir. Je suis contente qu’il remarque la similitude entre mon costume et sa passion pour les voleurs des mers. Je m’approche de lui en souriant. Je glisse mes doigts sous son menton pour ne pas abîmer son maquillage. Sa peau est douce sous mes doigts. « Je voudrais bien que tu sois mon capitaine. » Je retire mes doigts tout en essayant de ne pas rougir suite à ce que je viens de lui dire. Qu’est-ce qui m’a pris de lui dire ça ?! Je décide de lui parler de mon costume. « L’art du cosplay est dans les détails mon cher. Je suis la Princesse Zelda dans Breath of Wild. » Un excellent jeu, les graphiques sont magnifiques dans leurs genres. « J’ai retenu le fait que tu appréciais le monde des pirates. J’ai voulu en apprendre plus sur le sujet… » Il me semble que c’est normal de vouloir en apprendre plus sur la passion de ses amis. Non ? « J’ai lu un peu sur Anne Bonny ainsi que Mary Read. J’ai été surprise de voir que des femmes ont embrassé cette vie. C’est un sujet passionnant, je comprends pourquoi cela te fascine. » Je le questionne sur sa journée, ce qu’il a fait pendant mon absence. « Une longue journée, entre la librairie et la décoration de l’appartement je n’ai pas eu une minute à moi. Et toi ? » Je m’assis sur le canapé en gardant une certaine distance de la poupée effrayante. Elle me fout les jetons ! Je la regarde du coin de l’œil pour m’assurer qu’elle est bien inerte et qu’elle va le rester. Pour ensuite tourner toute mon attention sur mon ami. « Je suis revenue chez moi ce matin, car je n’ai pas dormi à mon appartement. J’ai bossé sur un projet graphique. J’ai pratiqué la musique pour ma vidéo de lundi prochain. Ç’a été ma super journée. » Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour moi non plus quand j’y pense.

« Comme tu voudras moussaillon ! » Sa réaction m’est douce et amer toute à la fois. Une partie de moi est soulagée de voir que mon intuition est toujours bonne. Il ne cherche pas plus que mon amitié. Ce qui me penche à me convaincre que notre promesse est toujours légitime. Cependant, je ressens tout de même une pointe d’amertume en bouche. Il aurait eu un petit quelque chose de chevaleresque, de le voir briser le vœu. Une parole, un geste de sa part pour me faire bien comprendre que c’était une idée complètement bidon le vœu de célibat. Comme mes parents ont aimé me le rappeler tout au long de la soirée. Storm n’a pas été en reste puisqu’il m’a taquiné sur le sujet ce matin même. Je ne suis pas particulièrement étonnée qu’il ne connaisse pas le jeu dont est issu mon costume. Cependant, la Princesse Zelda est une icône des jeux vidéo au même titre que Mario ou Sonic. « À présent, j’ai réellement l’occasion de t’appeler Princesse alors. » Je viens tapoter mon doigt aux commissures de mes lèvres. Je feins de réfléchir longuement sur ses paroles. « Ah oui, c’est vrai que tu m’appelles Princesse… » Un petit sourire taquin se dessine sur mes lèvres. Ce surnom affectueux qui quitte parfois ses lèvres a un effet épouvantable sur ma personne. J’ai le cœur qui s’emballe ainsi que des petits papillons qui décident d’élire leur domicile dans mon ventre à chaque fois. Cela s’apparente de plus en plus à de la torture. Je lui avoue avoir fait des recherches sur les pirates suite à notre repas au restaurant. Le regard de Damien s’éclaire d’une lueur de la passion. Un peu comme moi quand il s’agit de jeux vidéo ou des grands dessinateurs dont j’admire leurs travaux. Je lui parle d’Anne Bonny ainsi que Mary Read. Il me confirme qu’il les connaît. « Les deux seules recensées, avec une histoire folle et passionnante ! Toutes deux se sont connues ! Elles ont écumé les mers ensemble ! On raconte que Mary Read dévoilait son sexe à ses adversaires avant de les tuer pour leur prouver qu’une femme savait se battre au même titre qu’un homme ! » Je ne savais pas pour la deuxième partie de l’histoire impliquant les parties intimes de la dame. Cela devrait être particulièrement humiliant pour l’homme vaincu. « J’imagine que tu connais la série Black Sails ? Je n’ai pas encore eu la chance de la regarder. » Il faut dire que je regarde des séries qu’avec mon frère. Lors de nos soirées hebdomadaires. En ce moment, nous sommes sur Animal Kingdom. « Quelle musique ? Savoir si un petit Danseur ne viendra pas sur ce live pour écouter… » Je me permets de rire à sa remarque. Je tourne légèrement la tête pour le regarder. « Est-ce que le choix de la musique est vraiment si important ? Je veux dire, est-ce que c’est la musique qui t’intéresse ou de me voir moi dans mon milieu naturel ? » Qu’est-ce qui me prend à le provoquer ainsi ? Je me racle la gorge avant de me pencher pour avoir accès à mon sac de sport. Mon téléphone portable se trouve dans l’une des pochettes intérieures. « Alors, le thème de la mer a été bien présent ces derniers jours alors je me suis décidée pour une musique dans ce sens. » Je déverrouille mon téléphone avec mon empreinte digitale. Une photo de moi et de mon frère apparaît. Il me tient serré contre lui. On sourit tous les deux à l’objectif. Je crois que c’est ma mère qui a pris cette photo l’année dernière. Je clique sur l’application de YouTube et tape rapidement le titre de la musique. Une voix féminine se fait entendre avant que les premières notes de guitare se mettent à jouer. C’est la chanson que les marins chantent dans le jeu World of Warcraft. « J’ai hésité à la faire, car la partie chantée est très importante. Je ne suis pas une chanteuse, mais j’ai fini par décider de la faire quand même. Je vais donc chanter en la jouant. » Je verrouille mon téléphone avant de le remettre en sécurité dans la pochette de mon sac. J’en profite pour sortir les quatre films que j’ai apportés avec moi. « J’ai Evil Dead, L’exorciste, Hellraiser et La dame en noir. » Pourquoi mon frère a mis ce dernier film dans le lot ? Il sait que la dernière fois que je l’ai regardé (enfin, regarder est un bien grand mot), j’ai passé la moitié du film le visage caché dans sa chemise. Je tends les quatre boîtiers à Damien. « Quelle est ta sélection de films ? Je te laisse choisir ce que l’on va regarder. » J’en profite pour sortir les plats de ce que nous allons manger pendant la soirée et les place sur la table basse du salon.

Un surnom qui me va à merveille selon ses dires. Je ne sais trop quoi penser de ça. Les surnoms affectueux, est-ce que c’est normal entre amis ? Bien sûr que oui, mais est-ce que c’est normal qu’ils soient si proches de ceux qu’échangent deux amoureux ? Enfin, peu importe, nous ne sommes pas obligés de faire comme tout le monde. De plus, on ne peut pas dire qu’avec le vœu de célibat on commence une relation d’amitié comme le commun des mortels. Je devrais arrêter de me prendre la tête avec tout ça. Il n’y a pas de sentiment amoureux entre nous deux. Il n’y en aura jamais. Damien a déjà vu la série dont je lui parle. Le contraire m’aurait étonnée. « Elle est trop bien cette série ! On la regardera un jour si tu veux. Je te la fais découvrir et tu me fais découvrir ton jeu préféré ! » Je ne peux m’empêcher de sourire devant tant de passion. Je me retrouve beaucoup à travers à Damien mine de rien. « Marché Conclu. Mon jeu préféré c’est Detroit Become Human. Tu devrais réserver quelques-unes de tes soirées, car le jeu ne peut pas être terminé en une seule fois. » Cela est une très bonne excuse pour pouvoir se voir le plus souvent possible. Damien arrive à me faire vivre toute une palette d’émotions. C’est parfois un peu effrayant. Pourtant, je continue à vouloir provoquer des réactions. Car quand Damien pose son regard sur moi, les frissons que je peux ressentir sont enivrants. Notre sujet de conversation se tourne sur ma prochaine vidéo. Il aime bien la musique que je lui fais entendre. Cela me fait un bien fou quand il me dit qu’il y a pris goût de me regarder sur Twitch. Parmi mes nombreux abonnés, il y a une place bien spéciale dans mon cœur. « C’est gentil, j’aime bien l’idée que tu regardes mes Lives. C’est comme si tu ne me quittais jamais. » Pourquoi ai-je l’impression que les choses pouvaient déraper à tout moment ? Le mieux c’est de lui montrer les films qui vont nous faire frissonner d’horreur. « Que de bons films ! Pour ma part j’ai, Conjuring, Massacre à la tronçonneuse, Saw, Hostel. Je ne sais pas lequel tu as vu, mais je n’ai pas vu la dame en noir personnellement ! Tu veux commencer par lequel ? » Je fige quand il évoque le film que je redoute le plus dans toute la pile. Il n’a pas vu La Dame en Noir. En plus, il ne veut pas choisir, il me laisse ce choix. « J’ai vu Saw et massacre à la tronçonneuse. » Je n’ai pas vu Conjuring, car les histoires d’esprits malveillants m’ont toujours fait très peur. « On peut commencer par Conjuring. » Je viens de me jeter dans la gueule du loup. Tandis que je libère notre repas de ses pellicules plastique dont ils les recouvrent. Damien s’affère outre part dans son appartement. À son retour, il me tend un plaid tout doux sous mes doigts. Le truc qui parfait pour me cacher la vue. « Merci, c’est gentil. » Je laisse mon ami mettre le premier DVD dans l’appareil. Je prends une sandwich entre mes mains tout en me calant contre le canapé. La poupée effrayante me sépare de Damien comme une barrière. En faite, c’est comme un chaperon qui nous surveille pour ne pas que nous fassions des bêtises. Je tente de rester le plus calme possible. Le scénario n’est pas trop mal. Je ressens beaucoup de peine pour cette famille. Forcément, je finis par sursauter au premier « jump scare » un petit rire nerveux m’échappe. Je regarde Damien en souriant. « Ce n’est rien, je suis juste un peu trop sur les nerfs… » Rien de dramatique, mais je commence doucement à me liquéfier de l’intérieur. Pourquoi quand il y a un bruit étrange, les protagonistes des films décident d’aller voir seul ! Bordel ! Quand la fille hurle dans le film, ma voix fait écho à la sienne. Je cherche la main de Damien pour me rassurer sous nos plaids, mais je tombe sur la porcelaine froide de la poupée entre nous deux. « Kyaaaaa! » Saleté de poupée !

Je n’arrive plus à savoir ce qui m’a fait le plus peur. La femme qui a hurlé comme une folle dans le film ou la sensation de la porcelaine sous mes doigts ? Heureusement que je me suis retenue pour ne pas la faire valser à travers la pièce. J’aurais probablement ressenti, un bien immense, de pouvoir voir sa tête hideuse se fracasser en mille morceaux contre le plancher. Est-ce que briser une poupée peut nous apporter malheur ? Comme lorsque l’on brise un miroir ? Quoi qu’il en soit ma terreur n’est pas passée inaperçue. Je voudrais disparaître dans les coussins du canapé. Damien a lui-même sursauté de peur, mais je crois plutôt que c’est moi la grande responsable. Je ne trouve rien de mieux qu’à faire c’est de me camoufler le visage sous le plaid qui m’est offert. « Ça va ? Tu veux qu’on change ? » Ma voix est légèrement étouffée par le tissu de la couverture. « Nan, ça va aller ! » C’est que je suis têtue. C’était mon idée cette soirée au thème de l’horrifique. J’ai beau être une poule mouillée, je vais devoir tenir. Je perçois du mouvement sur le canapé. La poupée disparaît, la barrière est levée. Notre chaperon de la soirée prend le large ! Le film est mis sur pause. Ma main est recouverte par celle de Damien. Une douce chaleur se répand dans tout mon corps. Je sens mon palpitant qui bat un rythme plus rapide que la normale. C’est vraiment normal tout ça ?! « Reste pas seule de ton côté, vient près de moi. » Une invitation de la part du jeune homme tandis qu’il m’attire contre lui. Je ne résiste pas, bien au contraire. Mon corps vient se lover contre le sien, comme s’il avait été spécifiquement modelé pour Damien. Je sors la tête de sous la couverture, mais je la garde à proximité. Car elle risque de mettre bien utile, plus tard, j’en suis sûr. Je regarde l’image figée du film. D’une voix résolue, j’indique à Damien qui peut enlever l’arrêt sur image. Je vais gérer la situation. Je suis une foutue battante. Je sursaute à quelques reprises, mais j’arrive à me mordre la langue pour m’empêcher de crier quand les choses deviennent insoutenables. Je réussis à voir le film dans son entier. Je ne peux m’empêcher de pousser un soupir de soulagement quand le générique commence à défiler sur l’écran. Ma tête repose sur le torse de Damien. Je perçois les battements réguliers de son cœur. « Autant, j’arrive très bien à regarder des gens se faire décapiter, torturer et/ou se faire vider de leurs tripes. Autant que les histoires de fantôme et d’entité démoniaque, je n’y arrive pas du tout… » Je pousse un profond soupir avant de me redresser sur le canapé pour regarder Damien. « Par contre, j’ai mon honneur et je suis sacrément têtue. Alors on va regarder la dame en noir immédiatement. » Ainsi, j’en serais quitte pour le restant de la soirée. Déterminée, j’échange les deux films dans l’appareil avant de revenir me blottir contre Damien. Il endosse le rôle d’une peluche rassurante. Bien vite, l’ambiance glauque du film me donne des frissons d’horreur. La musique, les plans de la caméra font en sorte de rendre les choses encore plus terrifiantes que le précédent film. Mes doigts se ferment sur le tissu de son costume. J’étouffe un petit cri de terreur en venant camoufler mon visage dans le cou de Damien. Il a mis du parfum ? Son odeur qui me chatouille agréablement les narines. J’en oublie presque le film. Là, c’est le drame ! Mes lèvres viennent se déposer sur la peau tendre de son cou. Un baiser, rien de plus, rien de moins. Qu’est-ce qui me prend ?! On ne fait pas ça ! Je fais quoi ! La fuite est toujours la meilleure solution. Je m’éloigne rapidement du jeune homme en évitant son regard. Je replace maladroitement une mèche blonde de ma perruque. « Je reviens, la salle de bain est par là ? Ouais, d’accord… » Je quitte le salon quasiment au pas de course. Enfermé, dans la salle de bain. J’ouvre le robinet d’eau froide. Redescends sur terre Ingrid. Tu vas te faire du mal. N’as-tu rien appris de tes erreurs passées ? Damien a instauré une règle. Tu te dois de la respecter. Il l’a demandé, ce n’est pas pour rien. Vous avez accepté tous les deux ce vœu de célibat. Ne gâche pas tout. Je lève les yeux sur mon reflet dans le miroir. Comme pour mettre de l’emphase sur mes dernières pensées qui doit achever de me convaincre. Il ne veut pas de toi de cette façon dans sa vie. Il ne le voudra jamais ! Purée que c’est dévastateur comme révélation.  

Je prends appui contre l’évier de la salle de bain. L’eau froide continue de s’écouler du robinet. Le bruit de l’eau m’aide à me calmer en général, mais ce soir, c’est loin d’être une tâche simple. En ce moment, mes émotions sont un bordel sans nom. Pourtant, la soirée avait si bien commencé. Les choses ont dérapé quand je me suis retrouvée lovée contre lui. Je n’ai pas réfléchi une seule seconde quand mes lèvres se sont déposées sur la peau tendre de son cou. À cette pensée, je touche du bout des doigts ma lèvre inférieure. Mon regard croise celui de mon reflet dans le miroir. Il y a qu’une chose à dire. J’ai vraiment merdé sur le coup. Je me suis retranchée dans sa salle de bain. Un abri temporaire avant d’affronter la tempête. Je ne peux pas rester ici, indéfiniment. Je ferme le robinet pour arrêter mon honteux gaspillage d’eau. Mon coude vient heurter une bouteille de parfum qui tombe sur la moquette. Heureusement, pour ma pomme elle ne se brise pas sous l’impact. Il y a autre chose qui craque, pour mon plus grand malheur, c’est mon pantalon. Soyons positifs, au moins je porte de jolis dessous en dentelle. Niveau « timing », il n’est pas à mon avantage, car Damien vient de débarquer dans la salle de bain. Un simple coup d’œil dans le miroir me suffit pour savoir l’endroit exact où le jeune homme a les yeux posés. « Ingrid… Tout va bien ? » Que puis-je répondre à cette question ? Je n’en sais rien ! Je ne peux pas lui dire que tout va bien. Il n’est pas idiot, il le sait très bien que rien ne va. Je décide donc de ne rien répondre. Je me contente simplement à sécuriser le flacon pour qu’il ne me cause plus de souci. Damien s’approche prudemment de moi. Je suis ses mouvements dans le miroir. J’ai l’horrible impression d’être une biche prise dans les phares de la voiture. Ses bras m’enveloppent doucement la taille et m’attirent contre lui. Mon pouls s’accélère. Non, ne fais pas ça. Ma respiration est légèrement plus rapide. Je sais exactement ce qui s’appréhende à faire. Je suis ses mouvements que me renvoie son reflet. Je le vois qui se penche doucement vers mon cou qui lui est offert. Deux entités s’affrontent dans mon esprit. L’une d’elles lui crie de le faire et l’autre lui dit le contraire. Je ferme les yeux quand il m’embrasse à son tour dans le cou. Des frissons de plaisir me parcourent le corps comme de petits chocs électriques. Je me mords la lèvre inférieure pour museler un grognement de plaisir qui aurait vite fait de me trahir. Purée, j’en ai tellement envie ! Je peux dire aussi sans aucun doute qu’il en a aussi envie. « On ne peut pas faire ça… » J’ai dû mal à dire ces mots sans trembler. Je me tourne pour lui faire face. Je ressens une vague de tristesse m’envahir. Je ferme les yeux dans l’espoir de stopper les larmes qui menacent de s’écouler sur mes joues. « On n’est pas prêt. Je ne suis pas assez forte pour risquer de me prendre un bleu au cœur à nouveau. » Nerveuse, je glisse une main pour retirer la perruque blonde que je porte. Mes cheveux ainsi libérés tombent comme de petites vagues jusqu’à mes épaules. « La seule règle que tu voulais, c’est que l’on ne tombe pas amoureux, l’un de l’autre. » Je marque une pause, je tente de chercher les bons mots. « Les aventures d’un soir, ce n’est pas mon truc. Je dois avoir un minimum de sentiment pour la personne à qui je me donne. En retour, il faut que cette personne ait des sentiments pour moi. Non, pas une simple envie d’assouvir une envie primaire. » Un rire nerveux quitte mes lèvres. Pourtant, il n’y a rien de drôle. Je me sens me briser à chacune des paroles que j’émets. « C’est un premier dilemme. Je ne sais pas ce que je ressens pour toi. C’est un bordel sans nom. J’ai la trouille, car il y a des trucs que tu ne sais pas sur moi. Ça pourrait modifier ta vision que tu as de moi et j’ai horriblement peur que ça soit en mal. » Je sens une larme salée qui roule sur ma joue. Je l’essuie rageusement. Je maudis cette traîtresse. « Tu as peur de l’engagement et je comprends tes motivations. Je préfère t’avoir dans ma vie comme ami. Que risquer de te perdre parce que l’on n’aura pas su gérer nos hormones. » Je souffle un bon coup pour tenter de me calmer. « Le vœu, c’est une protection, pour nous deux. Visiblement, il y a un truc entre nous et je ne crois pas que l’on est prêt à accepter ce que sait réellement. » Je baisse la tête pour que mes yeux se dérobent à son regard. « Je suis désolée. Ne m’en veut pas, je t’en pris… »  

Comment une soirée peut-elle dégénérer à ce point ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous ? Pourquoi faut-il que nous compliquions toujours tout ? Je tente d’être la plus douce possible. Je choisis mes mots avec beaucoup de soin pour lui expliquer mon point de vue. La dernière chose que je veux c’est bien de le blesser. Et qu’il souffre par ma faute. Damien me libère de son étreinte. La douce chaleur qu’il me prodiguait s’éteint petit à petit sur ma peau. Sur le coup, je suis tentée de le retenir pour que je puisse revenir me blottir contre lui. Cela n’aurait provoqué encore plus d’incompréhension entre nous. Je me sens en sécurité dans ses bras. Damien m’apaise, il arrive à me calmer sans même le savoir. Ça fait un moment que je n’ai pas ressenti cette sérénité avec un homme. Le voir mettre une distance entre nous est douloureux. « Je sais… tu as parfaitement raison… Je m’excuse… » Je ferme les yeux pour y verrouiller les larmes qui menacent de s’écouler de mes prunelles. Je lui demande telle une supplique de ne pas m’en vouloir. Il y a au moins une chose de bien clair dans toute cette histoire. Je ne veux pas le perdre. Il y a un impact positif dans ma vie au-delà de ce qu’il peut s’imaginer. « Je ne t’en veux pas… » Un poids se lève de mes épaules bien frêles. Un petit baume sur mon cœur déjà bien meurtri pour ce soir. Je lève les yeux vers lui. Un sourire sincère se dessine sur mes lèvres. « Merci… » Un tout petit mot, murmurer tout bas à son intention. Je remarque le faible sourire de Damien avant qu’il quitte la salle de bain. Il me laisse seule à nouveau. Un moment de solitude, dont nous avons visiblement besoin tous les deux. Un temps bien court pour mettre un peu d’ordre dans nos émotions. Je n’ai pas le temps de m’inquiéter du temps qu’il prend à revenir, car je vois sa jolie tête blonde dans l’encadrement de la porte. « Prends-le… ce sera certainement plus confortable… Bien que ça ne s’accorde pas avec ton beau costume. » C’est vrai que je porte toujours ce fichu pantalon craqué. Je déroule le pantalon de jogging qui, à vue de nez, est un poil trop grand pour moi au niveau de la longueur des jambes. Je vais devoir rouler les bords. « Merci, c’est gentil de ta part. » Je me garde de lui avouer que j’ai des vêtements de rechange dans mon sac à dos. De toute façon, je préfère enfiler son jogging. Ainsi, j’aurais une raison valable pour le revoir. Si jamais, il décide de mettre fin à notre amitié après y avoir réfléchis de son côté. Ce serait peut-être ma dernière chance. Je reste un moment à fixer Damien. « Joli cœur ? » Ce surnom, non SON surnom que j’ai choisi de lui donner, parce qu’il exprime peut-être ce que je ressens pour lui sans réellement le comprendre moi-même. « Il faudrait que tu sortes pour que je puisse me changer… » Non, pas que cela me dérange réellement qu’il reste, mais il vaut réellement mieux que l’on ne tente pas le diable. Car la salle de bain risque de devenir une salle de jeu pour adulte. La porte se referme, ainsi je peux me changer. Une chose qui ne prend pas beaucoup de mon temps. Je suis de retour dans le salon à peine quelques minutes plus tard. « Il est un peu grand… » Je flotte dans son jogging, mais il est confortable. Il est chaud, mais le plus important c’est qu’il appartient à Damien. Je décide de prendre mon courage à deux mains. « Damien ? » Je murmure son nom tout en venant prendre place à côté de lui sur son canapé. « Je crois qu’il vaudrait mieux écourter la soirée. » Je ne désire pas lui faire du mal. Je ne veux pas forcément m’en aller, non plus. « Je crois qu’il faut que l’on réfléchisse à tout ça. Je ne vais pas te mentir, si je reste. Je risque de te sauter dessus et ça, on ne veut pas ça. » Un petit rire m’échappe. Il vaut mieux être honnête non ? « On ne va pas se mentir, il y a une tension sexuelle entre nous. Mais, je ne crois pas que ça se limite juste à ça. » Je reste silencieuse un moment avant de reprendre la parole. « Tu penses quoi de tout ça ? » J’aimerais bien comprendre sa vision des choses.

Mon petit trait d’humour n’a pas l’effet escompté bien au contraire. J’ai encore plus l’impression que mes paroles rendent Damien encore plus tendu. Je ne suis pas idiote, je me rends bien compte que ça ne lui plaît pas plus qu’à moi ce retournement de situation. Je sais très bien que c’est moi la responsable de cette situation. Ce sont mes lèvres dans son cou qui a déclenché toute cette pagaille. Je veux quand même avoir son avis sur notre situation. Ces émotions sont toutes aussi importantes que les miennes. Je le vois qui prend une gorgée de sa bière. Il se donne peut-être du courage ? « Il y a en effet quelque chose… En effet, peut-être qu’une séparation est utile, surtout après ce que tu viens d’avouer. Pourtant, je n’ai pas envie que tu partes, bien au contraire, mais… mais il y a quelque chose en moi qui suis attiré par toi, je le sais… » Je me sens rougir quand il fait allusion à l’attirance que j’ai pour lui. C’est vrai que ce n’était pas très fin de ma part de lui dire ça aussi sec. Je baisse la tête pour me dérober à nouveau à son regard. « Je n’ai pas envie de partir, non plus… » C’est une véritable torture de devoir agir de façon responsable. Toutes les cellules de mon corps le réclament. Dire ce qui a déclenché ce tsunami de désir n’est qu’un tout petit baiser de rien du tout. Je pousse un profond soupir. Si je reste prostrée à ses côtés, l’un de nous va craquer. C’est donc avec beaucoup de difficulté que je me lève de son canapé pour récupérer mon sac. Je retire mes oreilles d’elfe que j’enfouis dans mon sac ainsi que ma perruque. Je n’en aurais plus besoin pour rentrer chez moi. Je ne tente pas non plus de venir lui donner un câlin. Je risque trop de me retrouver prisonnière de ses bras, mais surtout de lui demander de ne plus me laisser partir. « Je vais rentrer chez moi. » Je reste un moment à le dévisager avant de me décider à tourner les talons. Quand la porte de son appartement se referme dans mon dos. Une douleur immense me traverse tout le corps. C’est dur de devoir le quitter dans ses conditions. Il ne me reste qu’à faire un pas en avant pour mettre le plus de distance entre lui et moi. Car s’il décide de me retenir là et maintenant. Je ne serais pas en mesure de contrôler mon désir pour lui.